La douleur est un phénomène très complexe qui met en jeu plusieurs composantes. Avec une petite histoire inventée et trois questions, testons ce que vous savez.
Imaginons deux personnes, chacune dans leur voiture, qui ont un accident ensemble. Ces deux personnes se font exactement la même fracture à la jambe (pour le bien de l’histoire). Elles ont donc ont une cause bien physique à leur douleur.
Est-ce que celles-ci ont la même douleur ?
Maintenant imaginez que l’une d’elle est responsable à 100% tandis que l’autre est victime.
Est-ce que l’une est plus susceptible d’avoir mal que l’autre ?
Arrivent sur place les urgentistes. L’un se dirige vers la victime et lui dit : « Oh la vache. Des fractures j’en vois tous les jours, mais rarement des aussi moches. » tandis qu’un autre urgentiste dit au responsable : « Rassurez-vous, vous êtes entre de bonnes mains. J’ai l’habitude. »
Le responsable a-t-il le même niveau de douleur que la victime ?
Une question de contexte
Je pense que la plupart d’entre nous a répondu que la douleur est différente à au moins une des 3 questions précédentes, bien que le problème physique soit le même.
Les facteurs psychologiques jouent un rôle dans nos douleurs tout autant que les facteurs physiques. Dans de nombreux cas, les facteurs psychologiques sont même beaucoup plus en mesure de prédire la persistance des douleurs que les facteurs physiques[1]Artus, M., Campbell, P., Mallen, C. D., Dunn, K. M., & van der Windt, D. A. W. (2017). Generic prognostic factors for musculoskeletal pain in primary care: a systematic review. BMJ Open, 7(1), … Continue reading.
La psychologie c’est de la biologie
En réalité, les facteurs psychologiques sont des facteurs physiques. Il semblerait qu’ils puissent changer la sensibilité de notre système nerveux[2]Baliki, M. N., & Apkarian, A. V. (2015). Nociception, Pain, Negative Moods, and Behavior Selection. Neuron, 87(3), 474–91. , créer de l’inflammation[3]Eller-Smith, O. C., Nicol, A. L., & Christianson, J. A. (2018). Potential Mechanisms Underlying Centralized Pain and Emerging Therapeutic Interventions. Frontiers in Cellular Neuroscience, 12, 35. , jouer sur notre posture [4]Richards, K. V., Beales, D. J., Smith, A. J., O’Sullivan, P. B., & Straker, L. M. (2016). Neck Posture Clusters and Their Association With Biopsychosocial Factors and Neck Pain in Australian … Continue reading,… tant de choses qui font que ce n’est pas juste psychologique.
Et à l’inverse, les facteurs biologiques peuvent avoir des retentissements psychologiques comme les actions des hormones de la thyroïde sur l’humeur[5]Bauer, M., Goetz, T., Glenn, T., & Whybrow, P. C. (2008). The Thyroid-Brain Interaction in Thyroid Disorders and Mood Disorders. Journal of Neuroendocrinology, 20(10), 1101–1114. quand elles ne sont pas dans les normes.
Tout ceci c’est la même chose à différentes échelles. C’est comme quand on regarde la peau. À l’oeil nu voici ce qu’on voit :

Mais si on l’observe au microscope, c’est tout à fait différent :

De la même manière, les facteurs psychologiques seront ce qu’on pourra voir « à l’oeil nu », tandis qu’il nous faudra toute une panoplie de scientifique pour observer la biologie.
On y rajoute parfois même le retentissement social de la psychologie. On parle alors de modèle BioPsychoSocial de la douleur, qui prend donc en compte les 3 échelles.

Rassurez-vous, ce n’est pas psychosomatique
Nous avons déjà tous vu ou entendu parler des fakirs capables de marcher sur des braises ardentes. Nous connaissons tous une histoire de personne avec une blessure ou fracture qui ne s’en était pas rendu compte. Certains connaissent même l’histoire de Bethany Hamilton qui s’est fait manger son bras par un requin en déclarant n’avoir senti aucune douleur.
D’autres ont déjà aussi sûrement entendu ou été témoins d’histoires où, à l’inverse, des personnes sans grande blessure, voire même sans aucune blessure, ont ressenti des douleurs intenses comme dans mon infographie #1.
Nous savons donc que la douleur ne veut pas dire qu’il y a une lésion. Nous savons que les facteurs psychologiques, sont en réalité des facteurs biologiques qui apportent toujours leur contribution.
Cela veut donc dire, que même si votre douleur n’est pas psychosomatique, il est intéressant de jouer sur les facteurs psychologiques. J’espère que tout ceci apportera du sens à votre expérience.
References
↑1 | Artus, M., Campbell, P., Mallen, C. D., Dunn, K. M., & van der Windt, D. A. W. (2017). Generic prognostic factors for musculoskeletal pain in primary care: a systematic review. BMJ Open, 7(1), e012901. |
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↑2 | Baliki, M. N., & Apkarian, A. V. (2015). Nociception, Pain, Negative Moods, and Behavior Selection. Neuron, 87(3), 474–91. |
↑3 | Eller-Smith, O. C., Nicol, A. L., & Christianson, J. A. (2018). Potential Mechanisms Underlying Centralized Pain and Emerging Therapeutic Interventions. Frontiers in Cellular Neuroscience, 12, 35. |
↑4 | Richards, K. V., Beales, D. J., Smith, A. J., O’Sullivan, P. B., & Straker, L. M. (2016). Neck Posture Clusters and Their Association With Biopsychosocial Factors and Neck Pain in Australian Adolescents. Physical Therapy, 96(10), 1576–1587. |
↑5 | Bauer, M., Goetz, T., Glenn, T., & Whybrow, P. C. (2008). The Thyroid-Brain Interaction in Thyroid Disorders and Mood Disorders. Journal of Neuroendocrinology, 20(10), 1101–1114. |